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forme à son couchant la plus belle décoration, les rayons argentés de la lune, qui consolent les voyageurs de l’absence du plus bel astre : les étoiles, ces diamans de l’Olympe, dont l’éclat est relevé par le fond bleu auquel ils sont attachés : ces beaux jours sans nuages, ces nuits plus belles encore, qui inspirent les plus douces rêveries, nuits vertes des forêts, où l’âme enchaînant ses pensées volages dans les bornes charmantes de l’amour, contente, recueillie, se caresse elle- même & ne se lasse point de contempler son bonheur : ombre impénétrable aux yeux des Argus, où il suffit d’être seul pour désirer d’être avec vous, Thémire ; d’être avec vous pour oublier tout l’univers. Que dirai-je enfin ? toute la nature est dans un cœur qui sent la volupté.

Vous la sentez, Sapho, vous éprouvez l’empire de cette puissante divinité. Mais quel singulier usage vous en faites ! Vous refusez aux uns ce que vous ne pouvez accorder aux autres ; vous jouez le sexe que vous n’avez pas, pour chérir celui que vous avez. Amoureuse de votre sexe, vous voudriez en changer ! Vous ne voyez pas que vous oubliez votre personnage, en faisant mal le nôtre, & que la nature abusée en rougit !

Ne nous élevons point contre cette usurpation ; n’arrêtons point le cours d’un ruisseau, qui conduit tôt ou tard à sa source. Quand on prend de l’amour,