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ne craint pas plus la foudre que la mort. Les arbres se dépouillent de leur verdure, il conserve son amour. Les fleuves se changent en marbre, un froid cruel gelé jusqu’aux entrailles de la terre, il brûle des feux de l’été. Couché avec sa chère Délie, la rigueur de l’hiver, le vent, la pluie, la grêle, les élémens déchaînés ajoutent au bonheur de Tibule. Si la mer est calme & tranquille, le voluptueux ne voit dans cette belle nappe d’huile, qu’une parfaite image de la paix. Si les flots bouleversés par Éole en furie, menacent quelque vaisseau du naufrage, ce tableau mouvant de la guerre, tout effrayant qu’il est, il le voit avec le plaisir d’un homme éloigné du danger. Ce n’est pas là un de ceux que court volontiers la volupté.


Tout est plaisir pour un cœur voluptueux ; tout est roses, œillets, violettes dans le champ de la nature. Sensible à tout, chaque beauté l’extasie ; chaque être inanimé lui parle, le réveille ; chaque être inanimé le remue ; chaque partie de la création le remplit de volupté. Voit-on paroître la riante livrée du printemps ? Il remercie la nature d’avoir prodigué une couleur si douce & si amie des yeux. Admirateur des plus frappans phénomènes, le lever de l’aurore & du soleil, cette brillante couleur de pourpre, qui se jouant dans le brun des nuées,