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du champ, qui a plus de sentiment que tous les êtres ensemble, ne seroit qu’une plante éphémère, éclose le matin, le soir flétrie ; moins durable que ces fleurs, qui du moins sûres de parer nos campagnes durant l’été, embelliront peut-être l’automne même ! Spectacle enchanteur, dont l’éternité même ne pourroit me rassasier, un destin, cruel sans doute, nous arrache au plaisir de vous voir & de vous admirer sans cesse, mais il est inévitable. Ne perdons point le temps en regrets frivoles ; & tandis que la main du printemps nous caresse encore, ne songeons point qu’elle va se retirer ; jouissons du peu de momens qui nous restent ; buvons, chantons, aimons qui nous aime ; que les jeux & les ris suivent nos pas ; que toutes les voluptés viennent tour-à-tour, tantôt amuser, tantôt enchanter nos âmes ; & quelque courte que soit la vie, nous aurons vécu.

Le voluptueux aime la vie, parce qu’il a le corps sain, l’esprit libre & sans préjugés ; amant de la nature, il en adore les beautés, parce qu’il en connoit le prix : inaccessible au dégoût, il ne comprend pas comment ce poison mortel vient infecter nos cœurs. Au-dessus de la fortune & de ses caprices, il est sa fortune à lui-même : au-dessus de l’ambition, il n’a que celle d’être heureux : au-dessus des tonnerres, phiioscphe Épicurien, il