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Favorise le dieu du sommeil, & qu’ils ayent le temps de se payer des larmes qu’ils ont versé pour eux !


Beaux jours d’Hébé ! quoi ! vous ne reviendrez plus ! Je serai désormais impitoyablement livré au vuide d’un cœur sans tendresse & sans désir : vuide affreux que tous les goûts, tous les arts, toutes les dissipations de la vie ne peuvent remplir ! Que je sente du moins quelquefois les flatteuses approches du plus respectable des dieux, signe consolateur d’une amante éperdue ; & tel qu’au nautonnier allarmé se montre la brillante étoile du matin. Plaisir, ingrat plaisir, c’est donc ainsi que tu traites qui t’a tout sacrifié ! Si j’ai perdu mes jours dans la volupté, ah rendez-les moi, grands dieux, pour les reperdre encore !


Je suis jaloux de ton bonheur, trop heureux pécher. La nature t’a traité en mère, & l’homme en marâtre. Un doux zéphir a soufflé dans les airs, une nouvelle chaleur te rappelle à la vie ; tes boutons paroissent, se développent bientôt ornés de fleurs ; tu seras enfin chéri pour tes excellens fruits ! Combien de printemps t’ont rajeuni ! Combien d’autres te rajeuniront encore, tandis que le premier de l’homme, hélas ! est aussi son dernier ! Quoi ! cet arbre fleuri qui fait l’honneur