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bien plus volontiers, soit pour lire au frais Crébillon ou Chaulieu ; soit pour s’égarer dans un bois, & fouler avec quelque driade le gazon touffu d’un bosquet inaccessible aux profanes. Lambris dorés, que les flûtes & les voix font retentir, charmez-vous ainsi le magnisique ennui des rois ?


S’il attend sa maîtresse, c’est dans le silence & le mystère ; tous ses sens tendus semblent écouter ; il ose à peine respirer ; un faux bruit l’a déjà trompé plus d’une fois : puissé-je l’être toujours ainsi. Tout dort, & Julie ne vient point ? L’impatience de l’un surpasse la prudence de l’autre. Il ne se connoît plus, il brûle, il frémit du plaisir qu’il n’a pas encore… Que sera-ce & quels transports, quand un objet si tendrement chéri, si vivement imaginé, éclairé par le seul flambeau de l’amour… Heureux Sylvandre, voilà Julie !


Isse est-elle dans les bras du sommeil ? Celui de l’amour même n’est pas plus respecté ; il ordonne aux ruisseaux de murmurer plus bas ; il voudroit imposer silence à la nature entière. Isse ne s’éveillera que trop tôt, elle est dans la plus galante attitude. Voyez celle de l’amant ! voyez ses yeux ! Que de charmes ils parcourent !