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À Madame

la marquise de ***.

C’eſt votre ouvrage que je vous offre ; votre ſeule idée m’a inſpiré ; je lui dois tout ce qu’il y a de plus délicat & de plus ſéduiſant dans cet eſſai. Vous vous y reconnoîtrez, vous y lirez avec plaiſir l’hiſtoire de nos amours. J’en ai voulu laiſſer des traces publiques, pour me rappeler, ſi j’ai le malheur de ne pas vous aimer toujours, combien vous m’avez été chère, dans un temps où mon cœur épuiſé ne ſentira peut-être plus rien. Il eſt des momens, vous m’aimez trop pour ne pas les connoître, où la force de l’imagination repréſente ſi vivement à l’eſprit un objet adoré, qu’on croit le voir & être avec lui : que dis-je ! on le voit, on lui parle, on le touche, on le trouve ſenſible, on rend hommage à tous ſes charmes. C’eſt dans ces heureux momens, que ſouvent l’illuſion m’accorde de plus grands biens, que la réalité même. Quels tranſports, quelle tendreſſe, quelles careſſes vous recevez, vous rendez à votre amant ! l’honneur, la raiſon, toutes ces belles chimères, que vous respectez aux dépens de nos plaiſirs, s’évanouiſſent enfin. Pourquoi mettez-vous des bornes à mon