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de l’infâmie. Dieu puissant ! se peut-il qu’une foible mortelle que tu as si facilement séduite par tes plaisirs, se souvienne encore en aimant de tout ce qu’on devroit oublier quand on aime ?

À quel genre de volupté plus simple, plus épurée, suis-je parvenu ! Ici l’églogue, la flûte à la main, décrit avec une tendre simplicité les amours des simples bergers. Tircis aime à voir ses moutons paître avec ceux de Sylvandre ; ils sont l’image de la réunion de leurs cœurs. C’est pour lui qu’amour la fit si belle ; il mourroit de douleur, si elle ne lui étoit pas toujours fidèle. Là, c’est l’élégie en pleurs, qui fait retentir les échos des plaintes & des cris d’un amant malheureux. Il a tout perdu en perdant ce qu’il aime ; il ne voit plus qu’à regret la lumière du jour ; il appelle la mort à grands cris, en demandant raison à la nature entière de la perte qu’il a faite,

Il faut l’entendre exprimer lui-même la vivacité de ses regrets, entrecoupés de soupirs. La pudeur augmentoit les attraits de son amante ; elle la conservoit dans le sein même des plus grands plaisirs, qui en étoient plus piquans. Avant lui, elle ne connoissoit point l’amour. Il se rappelle avec transport les premiers progrès de la passion qu’il lui inspira, & tout le plaisir mêle d’une tendre inquiétude qu’elle eut à sentir une émotion nouvelle. Pendant combien d’années il l’aima sans oser lui en faire