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tiennent pas lieu de tous les autres, pour qui tu n’es pas tout l’univers, indignes du rang de tes élus, le sont de tes bontés !

La volupté a son échelle, comme la nature ; soit qu’elle la monte ou la descende, elle n’en saute pas un degré ; mais parvenue au sommet, elle se change en une vraie & longue extase, espèce de catalepsie d’amour qui suit les débauchés & n’enchaîne que les voluptueux.

Quelle est cette honnête fille que l’amour conduit tremblante au lit de son amant ! L’hymen seul que sa générosité refuse, pourroit la rassurer. Elle se pâme dans les bras de Sylvandre, qui meurt d’amour dans les siens ; mais réservée dans ses plaisirs, elle modère si bien ses transports, qu’il n’est que trop sûr qu’elle ne confondra que ses soupirs. Elle se défie de l’adresse même du dieu qu’elle chérit ; tout dieu qu’il est, elle ne l’en croit que plus trompeur. Sa virginité lui est moins chère que son amour ; sans doute sa curiosité seroit voluptueusement satisfaite avec celle de son amant ; en faisant tout pour lui, elle croit n’avoir rien fait, parce que ce n’est point avec lui ; elle le refuse moins qu’elle même ; mais enfin elle craint les fruits d’un amour éperdu, elle n’entend plus que la voix d’un fantôme qui lui dit de se respecter. Quelqu’excessive que soit la tendresse d’un cœur qui n’a jamais aimé, elle n’est point à l’épreuve