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délicieuse dans la bouche voluptueuse qui les attend. Plus de ressources imprévues, plus de miracles d’amour désespéré : ce qu’il y a de plus sensible dans les amours des tendres colombes, seroit perdu avec la plus puissante des voluptés.

Assez d’autres ont chanté les gloux-gloux de la bouteille ; je veux célébrer ceux de l’amour, incomparablement plus doux. Je t’évoque ici du sein des morts, charmant abbé ; quitte ces champs toujours verds & l’éternel printemps de ces jardins fleuris, riant séjour des âmes généreuses qui ont joint le plaisir délicat de faire des heureux, au talent de l’être… Je reconnois ton ombre immortelle, aux fleurs que la volupté sème sur tes pas. Explique-nous quelle est cette espèce de philtre naturel… dis, Chaulieu, par quel heureux échange nos âmes, en quelque sorte tamisées, passent de l’un dans l’autre, comme nos corps. Dis comment ces âmes, après avoir mollement erré sur des lèvres chéries, aiment à couler de bouche en bouche et de veine en veine, jusqu’au fond des cœurs en extase. Y cherchent-elles le bonheur dans les sentimens les plus vifs ? Quelle est cette divine, mais trop courte métempsycose de nos âmes & de nos plaisirs !

Charmes magiques, aimant de la volupté, mystères cachés de Cypris, soyez toujours inconnus aux amans vulgaires ; mais pénétrant tous mes sens