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tailles, les objets les plus éloignés se rapprochent, sc grossissent, & se montrent enfin sous les plus beaux traits ; par eux le voluptueux jouit de ses idées ; il les appelle, les éveille ; écarte les unes, fixe & caresse les autres au gré de ses désirs. Non que je sache comment l’imagination broie les couleurs, d’où naissent tant d’illusions charmantes ; mais l’image du plaisir qui en résulte est le plaisir même.

L’esprit, le charme de la conversation, la douceur de la voix, la musique, le chant, sans l’ouie, que d’attraits perdus ! Sans l’odorat aurois-je le plaislr de sentir le parfum des fleurs & de ma Thémire ? Sans le toucher, le satin de sa belle peau perdroit sa douceur ! Quel plaisir auroit ma bouche, collée sur sa bouche avec mon cœur ? Que deviendroient ces baisers amoureusement donnés, reçus, rendus, recherchés ? Toutes ces voluptés badines qui changent les heures en momens, tous ces jeux d’enfans qui plaisent à l’amour, ne séduiroient plus nos tendres cœurs ; cette partie divine stroit en vain légèrement titillée, soit par les mains des grâces, soit par le plus agile organe des mortels ; ce bouton de rose n’auroit plus la même sympathie ; cet harmonieux accord de deux plaisirs industrieusement réunis, ce doux concert de la volupté seroit détruit. En vain, Thémire, ces charmes, dont je suis idolâtre, tomberoient en grappe