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Mes yeux étoient pleins d’amour : Thémire ouvrit les liens, & voyant l’intérêt vif que je prenois au succès de ses plaisirs, l’air éIevé, animé, tout de feu, dont je l’encourageois, dont je présidois au combat, remplie elle-même alors du dieu qui me possédoit, d’une voix douce & d’un regard mourant, enfin, dit-elle, ah ! viens vite, cher amant, viens dans mes bras… que j’expire dans les tiens !

Quelle maitresse, grands dieux ! jugez si je l’adore, si je césserai un moment de l’aimer, & si elle a besoin d’être jeune comme Hébé, & belle comme la Vénus de Praxitèle, pour partager vos autels !

Mais, à son tour, Thémire est contente ; elle a pour amant non-seulement un grand maître dans l’art des voluptés, mais un cœur, je dois le dire à ta gloire, tendre amour, un cœur bien différent de tous les autres, toujours amoureux, toujours complaisant, qui ne rit, ne sent que pour elle ; qui n’a point d’autre volonté, d’autre âme que la sienne, qui ne murmura jamais de ses plus injustes rigueurs. Pendant combien d’années me suis-je contenté, que dis-je ! me suis-je trouvé trop heureux des simples baisers, caresses & attouchemens, comme dit naïvement Montagne ? Si rien ne doit jamais dégoûter un amant de l’objet qu’il aime, si rien ne doit suspendre un service