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deux âmes confondue par les baisers les plus ardens, ne se connoissoient plus ; éperdument livrées à toute l’ivresse de nos sens, elles n’étoient plus qu’un transport inexprimable, avec lequel, heureux mortels, nous nous sentions délicieusement mourir.

Si les plaisirs du corps sont si vifs, quels sont ceux de l’âme ! Je parle de cette tendresse pure, de ces goûts exquis qui semblent faire distiller la volupté goutte à goutte au fond de nos âmes, tellement enivrées, tellement remplies de la perfection de leur état, qu’elles se suffisent à elles mêmes & ne désirent rien. Ah ! que les cœurs qui sont pénétrés de cette divine façon de sentir sont heureux ! oui, j’en jure par l’amour, même, j’ai vu des momens, dieux ! quels momens ! où ma Thémire se levant au-dessus des voluptés du corps, méprisoit dans mes bras des faveurs que l’amour eut dédaignées lui-même.

Toute tendresse, toute âme, dieux quelle existence ! disoit-elle. Non, je n’avois point encore connu l’amour… Rejettant ensuite tout autre sentiment plus vif, sans doute parce qu’ayant moins de douceur, sa vivacité même fait alors une sorte de violence, laisse-moi, laisse-moi goûter en paix & sans mélange un bien être si grand, si parfait : le plaisir corromproit mon bonheur.

Je regardois ma Thémire avec l’attendrissement