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mobile ; j’ai à peine la force d’ouvrir des yeux fermés par l’amour. Mais que cette langueur a de charmes ! Est-ce un rêve ou une réalité ? Il me semble que je m’affaisse, mais pour tomber, heureux Sybarite, sur un monceau de feuilles de roses. La mollesse, avec laquelle tous mes sens se replient sur tant de délices, me les rappelle. Douce ivresse ! je jouis encore des faveurs de Thémire ; je la vois, je la tiens entre mes bras. Il n’y a pas dans tout son beau corps une seule partie que je ne caresse, que je n’adore, que je ne couvre de mes baisers. Ah dieux ! que d’attraits & que d’hommages réels mérite l’illusion même ! que ne puis-je toujours ainsi vous voir, adorable Thémire ! votre idée me tiendroit lieu de vous-même. Pourquoi ne me suit-elle pas par-tout ? L’image de la beauté vaut la beauté même, si elle n’est encore plus séduisante. Doux souvenir de mes plaisirs passés, ne me quittez jamais ! Passés ! que dis-je ! Non, amour, ils ne le font point. Je sens votre auguste présence… Doux plaisir !… Quelle volupté ! Mes yeux s’obscurcissent… Ah Thémire !… Ah ! dieu puissant ! se peut-il que l’absence ait tant de charmes, & que nos foibles organes suffisent à cet excès de bonheur ? Non, de si grands biens ne peuvent appartenir qu’à l’âme, & je la reconnois immortelle à ses plaisirs.

Souffre, belle Thémire, que je me rappelle ici