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verez que, si ceux du soir sont plus vifs, ceux du matin sont plus doux.

Comme on voit le soleil sortir peu-à-peu de dessous les nuages épais qui nous dérobent ses rayons dorés, que la belle âme de Flore perce de même imperceptiblement ceux du sommeil ; que son réveil exactement gradué comme aux sons des plus doux instrumens, la fasse passer en quelque sorte par toutes les nuances qui séparent ce qu’il y a de plus vif ; mais pour cela il faut que vos caresses le soient ; il faut n’arriver au comble des faveurs que par d’imperceptibles degrés ; il faut que mille jouissances préliminaires vous conduisent à la dernière jouissance : découvrez, contemplez, parcourez, contentez vos regards comme l’amant d’Issé : par eux le cœur s’enflamme, les baisers s’allument… Mais n’en donnez point encore, revenez sur vos pas ; qui vous presse ? Êtes-vous donc las de jouir ? Levez de nouveau çà & là doucement le voile léger qui cache à vos yeux tant d’attraits… Je ne vous retiens plus, eh ! le pourrois-je ? Heureux Pygmalion, vous avez une statue vivante que vous brûlez d’animer ! Déjà le front, les yeux, l’incarnat des joues, ces lèvres vermeilles où se plaît l’amour, cette gorge d’albâtre où se perdent les désirs, ont reçu cent fois tour-à-tour vos timides baisers : déjà la sensible Flore semble s’animer sous la douce haleine du nouveau Zé-