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une glace, ſes traits ſont rians, ſa petite paupiere eſt tranquille, ſa bouche ſemble attendre le baiſer que ſa nourrice eſt toujours prête à lui donner. Pourquoi le voluptueux ne jouiroit-il pas des mêmes bienfaits ? Il ne s’eſt pas donné au ſommeil ; c’eſt le ſommeil qui l’a ſaiſi dans les bras de la volupté. Morphée, après l’avoir enivré de ſes pavots, lui fera ſentir la ſituation charmante qu’il n’a quittée qu’à regret. Belles, qui voyez vos amans s’endormir ſur votre beau ſein, ſi vous êtes curieuſes d’effrayer le tranſport d’un amant aſſoupi, reſtez éveillées, s’il vous eſt poſſible ; le même cœur, ſoyez-en ſures, ; la même ame vous communiquera les mêmes feux, feux d’autant plus ardens, qu’il ne ſera pas diſtrait de vous par vous-meme. Il ſoupirera dans le fort de ſa tendreſſe, il parlera même & vous pourrez lui répondre ; mais que ce ſoit très-doucement : gardez-vous ſur-tout de le ſeconder, vous l’éveilleriez par les moindres efforts ; laiſſez-le venir à bout des ſiens ; repréſentez-vous tous les plaiſirs que goûte ſon ame, l’imagination peint mieux à l’œil fermé qui l’œil ouvert ; figurez-vous comme vous y êtes divinement gravée ! jouiſſez de toute ſa volupté dans un calme profond & dans un parfait abandon de vous-même ; oubliez-vous pour ne vous occuper que du bonheur de votre amant. Mais qu’il jouiſſe à la fin d’un doux repos ; livrez-vous-y vous-même, en vous déro-