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artifice devroit-il connoîre les remords ? Quoi ! ces bourreaux déchirent ſans pitié le cœur d’Iſmene ? Elle craint les ſuites d’une démarche auſſi hardie ; elle tremble d’être reconnue ; elle ſe reproche tout, juſqu’aux hommages rendus à une vertu qu’elle ne croit pas avoir. Que cette ſimplicité eſt belle & honnête ! Elle s’accuſe d’avoir joué la ſageſſe, d’avoir trompé les hommes & les dieux. « Juſqu’ici, dit-elle, on n’a reſpecté en moi qu’une trompeuſe idole, qu’un maſque impoſteur ; le rôle que je vais faire ne ſera pas plus vrai. Indigne des honneurs que je recevrai… Ah dieux ! une ame bien née peut-elle ſe manquer ainſi à elle-même ? ô Vénus ! pourquoi faut-il que je ſois deſtinée à être ta proie, comme celle des remords » ?

Amour, tant que tu ſouffriras un reſte de raiſon dans ton empire, tes ſujets ſeront malheureux. Iſmene n’eſt éperdue, que parce qu’elle ne l’eſt pas aſſez : ſon foible cœur ne conçoit pas qu’il s’eſt donné malgré lui, après n’avoir que trop combattu.

« Non, charmante Iſmene, l’honneur & l’amour ne ſont point incompatibles ; ils ſubſiſtent enſemble, ils s’éclairent, ils s’illuſtrent, quand une fidélité, une conſtance à toute épreuve, un attachement inviolable, ſentimens de la plus belle ame, ne l’abandonnent jamais. Loin que