Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/224

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la tendreſſe eſt la volupté des cœurs. Ce que je vous refuſe en plaiſirs, vous l’aurez en ſentimens. Il n’y a pas dans toute mon ame un ſeul mouvement qui ne m’approche de vous, un ſeul ſoupir qui ne tende vers les lieux où le deſtin vous appelle. Ne ſentez-vous donc point, Iſménias, le prix de tant d’amour, le prix d’un cœur qui ſait aimer dans ces momens où les autres femmes ne ſavent que jouir » ?

L’amour eſt éloquent : Iſménias auroit pu employer toute ſa rhétorique ; il auroit pu vanter ſon expérience, ſon adreſſe, perſuader, peut-être convaincre… Mais il n’étoit pas temps, la retenue étoit néceſſaire ; en pareil cas, il s’agit moins de ſéduire que d’obéir & de diſſiper les craintes. Quand l’heure du berger n’a pas ſonné, il ſeroit heureux que certaines pourſuites ne fuſſent qu’inutiles ; un à-compte, demandé mal-à-propos, a ſouvent fait perdre toute la dette de l’amant.

Notre amoureux étoit trop initié dans les myſteres de Paphos pour ne pas contenir l’impétuoſité de ſes déſirs. Il fut même ſi ſage juſqu’au départ, que la belle, à ce qu’on dit, craignit d’avoir trop exigé.

Mais déjà les meſures ſont priſes, & bien priſes ; la circonſpection d’Iſmene ne ſouffre aucune légèreté ; tout ſera trompé ; juſqu’aux préjugés.

Pourquoi de ſi cruels retours ? un cœur ſans