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vers elle eſt agitée, & quelles ſingulieres conditions elle impoſe à ſon amant !

« Vous voyez, dit-elle, Iſménias, tout ce que je fais pour vous. Je ne pourrai reparoître dans l’univers, les préjugés y tiennent un rang trop conſidérable ; & ſi je vous perds (tombe ſur moi plutôt la foudre !) je n’ai d’autre reſſource que la mort. Je ne vous parle point de l’ingratitude, de l’infidélité, de l’inconſtance, du mépris… car qu’en fais-je ! Et combien me repentirai-je peut-être de cette démarche, quand il n’en ſera plus temps ! Mais que dis-je ! non, Iſménias, vous ne reſſemblerez point aux autres hommes ; non, vous ne ſéduirez pas la vertu pour l’abandonner aux plus vifs regrets. Je vous fais injure, je ſuis sûre de vous, je vous ai choiſi ; & ſi cela n’étoit pas, à quoi me ſerviroit de prévoir un malheur que je n’aurois pas la force de prévenir ? Mais cependant, quelque empire que l’amour ait ſur mon cœur, j’aurai celle d’en reſter aux termes où nous en ſommes : jamais, comptez-y, vous ne ſerez mon amant tout-à-fait. Iſmene l’eût juré par le Stix ».

Iſménias gémit, il eſt déſolé, il ne conçoit pas la trop rigoureuſe loi d’un cœur ſenſible. « Tendre & cruelle Iſmene, quoi ! vous m’aimez, & vous ne ferez pas tout pour moi ! Il m’en coûtera peut-être plus qu’à vous, interrompit-elle, mais