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Par la joie de l’amant, jugez de celle de l’amante, lorſqu’elle entendra cette hiſtoire de la bouche même d’Iſménias ; & devinez, ſi vous pouvez, lequel des deux va goûter le plus pur contentement ! Si les plaiſirs augmentent par les peines, que j’envie votre ſort, Iſménias !

Ils ſe revoient enfin, ils veulent en vain parler ; mais à la vivacité de leur ſilence & de leurs careſſes, qu’on voit bien que la parole eſt un foible organe du ſentiment ! Ont-ils enfin repris l’uſage de la voix ! Grands dieux ! quels entretiens ! Se racontent-ils tout ce qui ſe paſſe dans l’univers ? Non, ils ont bien plus de choſes à ſe dire : ils s’aiment, ils ſe retrouvent après une longue & trop cruelle abſence. Qui pourroit redire ici leurs diſcours, & plutôt encore leur joie que leurs plaiſirs ? Il faudroit ſentir comme eux, il faudroit s’être trouvé dans la même ſituation délicieuſe.

Iſmene, je l’ai prévu, n’oubliera jamais ce qu’a fait Iſménias ; elle ne quitte point une fortune brillante, ce ſeroit un petit ſacrifice à ſes yeux ; c’eſt elle-même qu’elle ſacrifie. Pour qui ? pour un amant dont l’amour fait toute la richeſſe.

Le plaiſir appelle Iſmene, il lui tend les bras, il lui montre une chaîne de fleurs. Refuſera-t-elle un dieu jeune, aimable, qui ne veut que ſa félicité ? C’en eſt fait ; « le conſeil en eſt pris quand l’amour l’a donné ». Mais de combien de ſentimens, di-