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noître ceux qui vous ont donné le jour ! Le commerce des hommes ſeroit fatal à votre bonheur ; un art impoſteur corromproit la ſimple nature, ſous les loix de laquelle vous viviez heureux : en perdant votre innocence, vous perdriez tous vos plaiſirs.

Que vois-je ! c’eſt Iſménias, qui eſt ſur le point d’enlever l’objet de ſes deſirs. Son bonheur eſt peint dans ſes yeux, il éclate ſur ſa figure ; & du fond de ſon cœur, par une ſorte de circulation nouvelle, il paroît répandu ſur tout ſon être. Il parle d’Iſmène, écoutons. Qu’il a l’air content & ravi !

Enfin, dit-il, je vais donc poſſéder celle que mon cœur adore ! Je vais donc jouir du fruit de la plus belle victoire. Dieux ! que cette conquete m’a coûté ! Mais qui ſoumet un cœur tel que celui d’Iſmene, a conquis l’univers.

Il fait l’éloge de ſes charmes. Toutes les femmes n’ont que des viſages, Iſmene ſeule a de la phyſionomie. On ſent, on penſe toujours avec ces traits-là : mais par quel heureux mêlange de couleurs eſt-on embarraſſé de dire s’il y a plus de ſentiment que d’eſprit dans ſes yeux !

Iſmene ignore le parti qu’a pris ſon amant : elle lui avoit défendu de tenter une entrepriſe auſſi délicate. Mais il faut épargner à ce qu’on aime juſqu’à la moindre inquiétude : il n’y a point à balancer ;