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mour n’aura eu de ſi tendres, ni de ſi fidèles ſerviteurs. Sans éducation & par conſéquent ſans préjugés, livrés ſans remords à une mutuelle ſympathie, abandonnés à un inſtinct plus ſage que la raiſon, ils ne ſuivront que ce tendre penchant de la nature, qui ne peut être criminel, puiſqu’on ne peut y réſiſter.

Voyez ce jeune garçon ; déjà il n’eſt plus homme, ſans s’en appercevoir. Quel nouveau feu vient de s’allumer dans ſes veines ! quel chaos ſe débrouille ! il n’a plus les mêmes goûts, ſes inclinations changent avec ſa voix. Pourquoi ce qui l’amuſoit, l’ennuye-t-il ? Tout occupé, tout étonné de ſon nouvel être, il ſent, il deſire, ſans trop ſavoir ce qu’il ſent, ni ce qu’il deſire : il entrevoit ſeulement, par l’envie qu’il a d’être heureux, la puiſſance de le devenir. Ses déſirs confus forment une eſpece de voile, qui dérobe à ſa vue le bonheur qui l’attend. Conſolez-vous, jeune berger, le flambeau de l’amour diſſipera bientôt les nuages qui retardent vos beaux jours : les plaiſirs après leſquels vous ſoupirez, ne vous ſeront pas toujours inconnus ; la nature vous en offrira par-tout l’image ; deux animaux s’accoupleront en votre préſence ; vous verrez des oiſeaux ſe careſser ſur une branche d’arbre, qui ſemble obéir à leurs amours.

Tout vous eſt de l’amour une leçon vivante.

Que de réflexions vont naître de ce nouveau