Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/213

Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’eſt plu à vous former, qui s’admire ſans ceſſe dans le plus beau de ſes ouvrages, fera couler de ma plume la tendreſſe & la volupté, qu’il ſembloit avoir réſervées pour vos cœurs.

Je ne ſuivrai point les traces de ces beaux eſprits, précieuſement neologues & puérilement entortillés : ce vil troupeau d’imitateurs d’un froid modèle glaceroit mon imagination chaude & voluptueuſe : un art trop recherché ne me conduiroit qu’à des jeux d’enfans que la raiſon proſcrit, ou à un ordre inſipide que le génie méconnoît & que la volupté dédaigne. Le bel eſprit du ſiècle ne m’a point corrompu ; le peu que la nature m’en réſervoit, je l’ai pris en ſentimens. Que tout reſſente ici le déſordre des paſſions, pourvu que le feu qui m’emporte ſoit digne, s’il ſe peut, du dieu qui m’inſpire !

Auguſte divinité, qui protégeas les chants immortels de Lucrèce, ſoutiens ma foible voix. Eſprits mobiles & déliés, qui circulez librement dans mes veines, portez dans mes écrits cette raviſſante volupté que vous faites ſans ceſſe voler dans mon cœur.

Ô vous, tendres, naïfs ou ſublimes interprêtes de la volupté, vous qui avez forcé les graces & les amours à une éternelle reconnoiſſance, ah ! faites que je la partage. S’il ne m’eſt pas donné de vous ſuivre, laiſſez-moi du moins un trait de flamme qui me guide, comme ces cometes qui laiſſent