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Diſparoiſſez, courtiſanes impudiques ! Il ſortit moins de maux de la boëte de Pandore, que du ſein de vos plaiſirs. Eh ! que dis-je ! des plaiſirs ! En fût-il jamais ſans les ſentimens du cœur ? Plus vous prodiguez vos faveurs, plus vous offenſez l’amour qui les déſavoue. Livrez vos corps aux ſatyres ; ceux qui s’en contentent, en ſont dignes : mais vous ne l’êtes pas d’un cœur né ſenſible. Vous vous proſtituez en vain, en vain vous cherchez à m’éblouir par des charmes vulgivagues : ce n’eſt point la jouiſſance des corps, c’eſt celle des ames qu’il me faut. Tu l’as connue, Ninon, cette jouiſſance exquiſe, durant le cours de la plus belle vie ; tu vivras éternellement dans les faſtes de l’amour.

Vous, qui baiſſez les yeux aux paroles chatouilleuſes, précieuſes & prudes, loin d’ici ! La volupté eſt diſpenſée de vous reſpecter, d’autant plus que vous n’êtes pas vous-mêmes, à ce qu’on dit, ſi auſtere dans le deſhabillé. Loin d’ici ſur-tout race dévôte, qui n’avez pas une vertu pour couvrir vos vices !

Belles, qui voulez conſulter la raiſon pour aimer, je ne crains pas que vous prêtiez l’oreille à mes diſcours ; elle n’en ſera point alarmée. La raiſon emprunte ici, non le langage, mais le ſentiment des dieux. Si mon pinceau ne répond pas à la fineſſe & à la délicateſſe de votre façon de ſentir, favoriſez-moi d’un ſeul regard ; & l’amour qui