Plaiſir, maitre ſouverain des hommes & des
dieux, devant qui tout diſparoît, juſqu’à la raiſon
même, tu ſais combien mon cœur t’adore, & tous
les ſacrifices qu’il t’a faits. J’ignore ſi je mériterai
d’avoir part aux éloges que je te donne ; mais je
me croirois indigne de toi, ſi je n’étois attentif à
m’aſſurer de ta préſence, & à me rendre compte
à moi-même de tous tes bienfaits. La reconnoiſſance
ſeroit un trop foible tribut, j’y ajoute encore
l’examen de mes ſentimens les plus doux.
Dieu des belles ames, charmant plaiſir, ne permets pas que ton pinceau ſe proſtitue à d’infâmes voluptés, ou plutôt à d’indignes débauches qui font gémir la nature révoltée. Qu’il ne peigne que les feux du fils de Cypris, mais qu’il les peigne avec tranſport. Que ce dieu vif, impétueux, ne ſe ſerve de la raiſon des hommes, que pour la leur faire oublier : qu’ils ne raiſonnent que pour exagérer leurs plaiſirs & s’en pénétrer : que la froide philoſophie ſe taiſe pour m’écouter. Je ſens les reſpectables approches de la volupté.