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suis fâché avec lui qu’un peu de bon grain se trouve mêlé avec tant d’ivraie. Il est difficile de dire lequel on doit préférer, ou du bonheur des citoyens puisé dans la source impure du matérialisme ; ou de leur malheur, coulant d’une source aussi claire que celle du spiritualisme. Un autre vous diroit avec transport : Ah ! si vous vous égarez, mon esprit, en faisant mon bonheur & celui des autres, puissiez-vous vous égarer toujours ; l’égarement n’est alors qu’un nom frivole & supposé. Un autre vous diroit ; on prend pour l’amour de l’ordre, pour vertu & raison, ce qui est désordre, vice & folie ; il sécrieroit : ces voies qu’on décore du faux nom de zèle & de piété, ne paroîtront-elles jamais ce qu’elles sont, des voies de scandale, de honte & d’iniquité ? Sous le masque de la religion, le tartuffe, si bien joué, ne sera-t-il jamais découvert avec son premier dieu, l’amour-propre, &c ? Mais moi je pense tout autrement ; en savez-vous la raison ? Vous ne l’auriez jamais devinée : c’est que je suis un visionnaire, un fanatique, un cerveau illuminé. Que ne l’êtes-vous un peu, mon cher esprit ? Au lieu de répondre à de sots critiques, à un sac d’ignorance & de préjugés, à un homme qui a vu tout l’homme machine dans je ne sais quel livre allemand ; enfin, au lieu de vous perdre de réputation dans l’esprit de la gent terriblement dévote, vous nous donneriez quelque jour un beau