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machine ; & qu’il n’y a dans tout l’univers qu’une seule substance diversement modifiée. Ce n’est point ici une hypothèse élevée à force de demandes & de suppositions : ce n’est point l’ouvrage du préjugé, ni même de ma raison seule ; j’eusse dédaigné un guide que je crois si peu sûr, si mes sens portant, pour ainsi dire, le flambeau, ne m’eussent engagé à la suivre, en l’éclairant. L’expérience m’a donc parlé pour la raison ; c’est ainsi que je les ai jointes ensemble.

Mais on a dû voir que je ne me suis permis le raisonnement le plus rigoureux & le plus immédiatement tiré, qu’à la suite d’une multitude d’observations physiques qu’aucun savant ne contestera ; & c’est encore eux seuls que je reconnois pour juges des conséquences que j’en tire ; récusant ici tout homme à préjugés, & qui n’est ni anatomiste, ni au fait de la seule philosophie qui est ici de mise, celle du corps humain. Que pourroient contre un chêne aussi ferme & solide, ces foibles roseaux de la théologie, de la métaphysique & des écoles ; armes puériles, semblables aux fleurets de nos salles, qui peuvent bien donner le plaisir de l’escrime, mais jamais entamer son adversaire. Faut-il dire que je parle de ces idées creuses & triviales, de ces raisonnemens rebattus & pitoiables, qu’on fera sur la prétendue incompatibilité de deux