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portion du sentiment, & des bienfaits qu’il en a reçus, heureux enfin de la sentir, & d’être au charmant spectacle de l’univers, il ne la détruira certainement jamais dans soi, ni dans les autres. Que dis-je ! plein d’humanité, il en aimera le caractère jusques dans ses ennemis. Jugez comme il traitera les autres. Il plaindra les vicieux, sans les haïr ; ce ne seront à ses yeux que des hommes contrefaits. Mais en faisant grace aux défauts de la conformation de l’esprit & du corps, il n’en admirera pas moins leurs beautés, & leurs vertus. Ceux que la nature aura favorisés, lui paroitront mérirer plus d’égards, que ceux qu’elle aura traités en marâtre. C’est ainsi qu’on a vu que les dons naturels, la source de tout ce qui s’acquiert, trouvent dans la bouche & le cœur du matérialiste, des hommages que tout autre leur refuse injustement. Enfin le matérialiste convaincu, quoi que murmure sa propre vanité, qu’il n’est qu’une machine ou qu’un animal, ne maltraitera point ses semblables ; trop instruit sur la nature de ces actions, dont l’inhumanité est toujours proportionnée au degré d’analogie prouvée ci-devant ; & ne voulant pas en un mot, suivant la loi naturelle donnée à tous les animaux, faire à autrui ce qu’il ne voudroit pas qu’on lui fît.

Concluons donc hardiment que l’homme est une