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sans qu’on en puisse voir les liens, parce que le sujet de cet attribut nous est essentiellement inconnu.

Ne disons point que toute machine, ou tout animal, périt tout-à-fait, ou prend une autre forme, après la mort ; car nous n’en savons absolument rien. Mais assurer qu’une machine immortelle est une chimère, ou un être de raison, c’est faire un raisonnement aussi absurde, que celui que feroient des chenilles, qui volant les dépouilles de leurs semblables, déploreroient amèrement le sort de leur espèce qui leur sembleroit s’anéantir. L’âme de ces Insectes, (car chaque animal a la sienne) est trop bornée pour comprendre les métamorphoses de la nature. Jamais un seul des plus rusés d’entre eux n’eût imaginé qu’il dût devenir papillon. Il en est de même de nous. Que savons-nous plus de notre destinée, que de notre origine ? Soumettons-nous donc à une ignorance invincible, de laquelle notre bonheur dépend.

Qui pensera ainsi, sera sage, juste, tranquille sur son sort, & par conséquent heureux. Il attendra la mort, sans la craindre ni la désirer, & chérissant la vie, comprenant à peine comment le dégoût vient corrompre un cœur dans ce lieu plein de délices ; plein de respect pour la nature ; plein de reconnoissance, d’attachement, & de tendresse, à pro-