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m’a faite, moi qui divise le temps ! moi qui marque si exactement le cours du soleil ; moi qui répète à haute voix les heures que j’indique ! non, cela ne se peut pas. » Nous dédaignons de même, ingrats que nous sommes, cette mère commune de tous les règnes, comme parlent les chymistes. Nous imaginons, ou plutôt supposons une cause supérieure à celle à qui nous devons tout, & qui a véritablement tout fait d’une manière inconcevable. Non, la matière n’a rien de vil qu’aux yeux grossiers qui la méconnoissent dans ses plus brillans ouvrages ; & la nature n’est point une ouvrière bornée. Elle produit des millions d’hommes avec plus de facilité & de plaisir, qu’un horloger n’a de peine à faire la montre la plus composée. Sa puissance éclate également, & dans la production du plus vil insecte, & dans celle de l’homme le plus superbe ; le règne animal ne lui coûte pas plus que le végétal ; ni le plus beau génie, qu’un épi de blé. Jugeons donc par ce que nous voyons, de ce qui se dérobe à la curiosité de nos yeux & de nos recherches, & n’imaginons rien au delà. Suivons le singe, le castor, l’éléphant &c. dans leurs operations. S’il est évident qu’elles ne peuvent se faire sans intelligence, pourquoi la refuser à ces animaux ? & si vous leur accordez une âme, fanatiques, vous êtes perdus : vous aurez beau dire que vous ne décidez point sur sa nature, tandis que