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peut plus être regardée comme impossible, surtout entre les mains d’un nouveau Prométhée. Il étoit donc de même nécessaire que la nature employât plus d’art & d’appareil pour faire & entretenir une machine qui pendant un siècle entier pût marquer tous les battemens du cœur & de l’esprit ; car si on n’en voit pas au pouls les heures, c’est du moins le baromètre de la chaleur & de la vivacité, par laquelle on peut juger de la nature de l’âme. Je ne me trompe point ; le corps humain est une horloge, mais immense, & construite avec tant d’artifice & d’habilité que, si la roue qui sert à marquer les secondes vient à s’arrêter, celle des minutes tourne & va toujours son train ; comme la roue des quarts continue de se mouvoir, & ainsi des autres, quand les premières, rouillées, ou dérangées par quelque cause que ce soit, ont interrompu leur marche ; car n’est-ce pas ainsi que l’obstruction de quelques vaisseaux ne suffit pas pour détruire, ou suspendre le fort des mouvemens qui est dans le cœur, comme dans la pièce ouvrière de la machine, puisqu’au contraire les fluides dont le volume est diminué, ayant moins de chemin à faire, le parcourent d’autant plus vîte, emportés comme par un nouveau courant, que la force du cœur s’augmente en raison de la résistance qu’il trouve à l’extrémité des vaisseaux ? Lorsque le nerf optique, seul comprimé, ne laisse plus