Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’ancienne & inintelligible doctrine des formes substantielles ! Je suis donc tout aussi consolé d’ignorer comment la matière, d’inerte & simple, devient active & composée d’organes, que de ne pouvoir regarder le soleil sans verre rouge : et je suis d’aussi bonne composition sur les autres merveilles incompréhensibles de la nature, sur la production du sentiment & de la pensée dans un être qui ne paroissoit autrefois à nos yeux bornés qu’un peu de boue.

Qu’on m’accorde seulement que la matière organisée est douée d’un principe moteur, qui seul la différentie de celle qui ne l’est pas (eh ! peut-on rien refuser à l’observation la plus incontestable ?) & que tout dépend dans les animaux de la diversité de cette organisation, comme je l’ai assez prouvé ; c’en est assez pour deviner l’énigme des substances & celle de l’homme. On voit qu’il n’y en a qu’une dans l’univers, & que l’homme est la plus parfaite. Il est au singe, aux animaux les plus spirituels, ce que la pendule planétaire de Huygens, est à une montre de Julien-le-Roi. S’il a fallu plus d’instrumens, plus de rouages, plus de ressorts pour marquer les mouvemens des planètes, que pour marquer les Heures, ou les répéter ; s’il a fallu plus d’art à Vaucanson pour faire son flûteur, que pour son canard, il eût dû en employer encore davantage pour faire un parleur, machine qui ne