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pas faire tant d’efforts que je vois qu’on en a faits avant moi. Il n’y a qu’à jetter les yeux sur un joueur de violon. Quelle souplesse ! quelle agilité dans les doigts ! les mouvemens sont si prompts, qu’il ne paroît presque pas y avoir de succession. Or je prie, ou plutôt je défie les Staahliens de me dire, eux qui connoissent si bien tout ce que peut notre âme, comment il seroit possible qu’elle exécutât si vite tant de mouvemens, des mouvemens qui se passent si loin d’elle, & en tant d’endroits divers. C’est supposer un joueur de flûte qui pourroit faire de brillantes cadences sur une infinité de trous qu’il ne connoîtroit pas, & auxquelles il ne pourroit seulement pas appliquer le doigt.

Mais disons avec Mr. Hecquet qu’il n’est pas permis à tout le monde d’aller à Corinthe. Et pourquoi Staahl n’auroit-il pas été encore plus favorisé de la nature en qualité d’homme, qu’en qualité de chymiste & de praticien ? Il falloit (l’heureux mortel !) qu’il eût reçu une autre âme que le reste des hommes ; une âme souveraine, qui, non contente d’avoir quelque empire sur les muscles volontaires, tenoit sans peine les rênes de tous les mouvemens du corps, pouvoit les suspendre, les calmer, ou les exciter à son gré ! Avec une maîtresse aussi despotique, dans les mains de laquelle étoient en quelque sorte les battemens du cœur & les loix de la circulation, point de fièvre sans doute,