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évidemment qu’un ? C’est en vain qu’on se récrie sur l’empire de la volonté. Pour un ordre qu’elle donne, elle subit cent fois le joug. Et quelle merveille que le corps obéisse dans l’état sain, puisqu’un torrent de sang & d’esprits vient l’y forcer ; la volonté ayant pour ministres une légion invisible de fluides plus vifs que l’éclair, & toujours prêts à la servir ! Mais comme c’est par les nerfs que son pouvoir s’exerce, c’est aussi par eux qu’il est arrêté. La meilleure volonté d’un amant épuisé, les plus violens désirs lui rendront-ils sa vigueur perdue ? Hélas ! non ; & elle en sera la première punie, parce que, posées certaines circonstances, il n’est pas dans sa puissance de ne pas vouloir du plaisir. Ce que j’ai dit de la paralysie &c. revient ici.

La jaunisse vous surprend ! ne savez-vous pas que la couleur des corps dépend de celle des verres au travers desquels on les regarde ! Ignorez-vous que telle est la teinte des humeurs, telle est celle des objets, au moins par rapport à nous, vains jouets de mille illusions ? Mais ôtez cette teinte de l’humeur aqueuse de l’œil ; faites couler la bile par son tamis naturel ; alors l’âme ayant d’autres yeux, ne verra plus jaune. N’est-ce pas encore ainsi qu’en abattant la cataracte, ou en injectant le canal d’Eustachi, on rend la vue aux aveugles, & l’ouie aux sourds. Combien de gens, qui n’étoient peut-être