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pour les expliquer, c’est être réduit à l'opération du Saint-Esprit.

En effet si ce qui pense en mon cerveau, n’est pas une partie de ce viscère, & conséquemment de tout le corps, pourquoi lorsque tranquille dans mon lit je forme le plan d’un ouvrage, ou que je poursuis un raisonnement abstrait, pourquoi mon sang s’échaufe-t-il ? pourquoi la fièvre de mon esprit passe-t-elle dans mes veines ? Demandez-le aux hommes d’Imagination, aux grands poëtes, à ceux qu’un sentiment bien rendu ravit, qu’un goût exquis, que les charmes de la nature, de la vérité ou de la vertu transportent ! Par leur enthousiasme, par ce qu’ils vous diront avoir éprouvé, vous jugerez de la cause par les effets : par cette harmonie que Borelli, qu’un seul anatomiste a mieux connue que tous les Leibnitiens, vous connoitrez l’unité matérielle de l’homme. Car enfin si la tension des nerfs, qui fait la douleur, cause la fièvre, par laquelle l’esprit est troublé, & n’a plus de volonté, & que réciproquement l’esprit trop exercé trouble le corps & allume ce feu de consomption qui a enlevé Bayle dans un âge si peu avancé ; si telle titillation me fait vouloir, me force de désirer ardemment ce dont je ne me souciois nullement le moment d’auparavant ; si à leur tour certaines traces du cerveau excitent le même prurit & les mêmes désirs, pourquoi faire double, qui n’est