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sentimens, de tous nos plaisirs, de toutes nos passions, de toutes nos pensées : car le cerveau a ses muscles pour penser, comme les jambes pour marcher. Je veux parler de ce principe incitant, & impétueux, qu’Hippocrate appelle ενοϱμων (l’âme). Ce principe existe, & il a son siège dans le cerveau à l’origine des nerfs, par lesquels il exerce son empire sur tout le reste du corps. Par-là s’explique tout ce qui peut s’expliquer, jusqu’aux effets surprenans des maladies de l’imagination.


Mais pour ne pas languir dans une richesse & une fécondité mal entendue, il faut se borner à un petit nombre de questions & de réflexions.

Pourquoi la vue, ou la simple idée d’une belle femme nous cause-t-elle des mouvemens & des désirs singuliers ? Ce qui se passe alors dans certains organes, vient-il de la nature même de ces organes ? Point du tout : mais du commerce & de l’espèce de sympathie de ces muscles avec l’imagination. Il n’y a ici qu’un premier ressort excité par le bene placitum des anciens, ou par l’image de la beauté, qui en excite un autre, lequel étoit fort assoupi, quand l’imagination l’a éveillé : & comment cela, si ce n’est par le désordre & le tumulte du sang & des esprits, qui galopent avec une promptitude extraordinaire, & vont gonfler le corps caverneux ?