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qu’il a embrassée ! Nous ne briguons point ici le suffrage du vulgaire. Qui dresse dans son cœur des autels à la superstition, est né pour adorer les idoles, & non pour sentir la vertu.

Mais puisque toutes les facultés de l’âme dépendent tellement de la propre organisation du cerveau & de tout le corps, qu’elles ne sont visiblement que cette organisation même ; voilà une machine bien éclairée ! car enfin quand l’homme seul auroit reçu en partage la loi naturelle, en seroit-il moins une machine ? Des roues, quelques ressorts de plus que dans les animaux les plus parfaits, le cerveau proportionnellement plus proche du cœur, & recevant aussi plus de sang, la même raison donnée ; que sais-je enfin ? des causes inconnues, produiroient toujours cette conscience délicate, si facile à blesser, ces remords qui ne sont pas plus étrangers à la matière que la pensée, & en un mot toute la différence qu’on suppose ici. L’organisation suffiroit-elle donc à tout ? Oüi, encore une fois ; puisque la pensée se développe visiblement avec les organes, pourquoi la matière dont ils sont faits, ne seroit-elle pas aussi susceptible de remords, quand une fois elle a acquis avec le temps la faculté de sentir ?

L’âme n’est donc qu’un vain terme dont on n’a point d’idée, & dont un bon esprit ne doit se servir que pour nommer la partie qui pense en nous.