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portent les organes bien conditionnés de chaque animal.

À présent comment définirons-nous la loi naturelle ? C’est un sentiment, qui nous apprend ce que nous ne devons pas faire, par ce que nous ne voudrions pas qu’on nous fit. Oserois-je ajouter à cette idée commune, qu’il me semble que ce sentiment n’est qu’une espèce de crainte, ou de frayeur, aussi salutaire à l’espèce, qu’à l’individu ; car peut-être ne respectons-nous la bourse & la vie des autres, que pour nous conserver nos biens, notre honneur & nous-mêmes semblables à ces ixions du christianisme, qui n’aiment dieu & n’embrassent tant de chimériques vertus, que parce qu’ils craignent l’enfer.

Vous voyez que la loi naturelle n’est qu’un sentiment intime, qui appartient encore à l’imagination, comme tous les autres, parmi lesquels on compte la pensée. Par conséquent elle ne suppose évidemment ni éducation, ni révélation, ni législateur, à moins qu’on ne veuille la confondre avec les loix civiles, à la manière ridicule des théologiens.

Les armes du fanatisme peuvent détruire ceux qui soutiennent ces vérités ; mais elles ne détruiront jamais ces vérités mêmes.

Ce n’est pas que je révoque en doute l’existence d’un être suprême ; il me semble au contraire que