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Les criminels, les méchans, les Ingrats, ceux enfin qui ne sentent pas la nature, tyrans malheureux & indignes du jour, ont beau se faire un cruel plaisir de leur barbarie, il est des momens calmes & de réflexion, où la conscience vengeresse s’élève, dépose contr’eux, & les condamne à être presque sans cesse déchirés de ses propres mains. Qui tourmente les hommes, est tourmenté par lui-même ; & les maux qu’il sentira, seront la juste mesure de ceux qu’il aura faits.

D’un autre côté, il y a tant de plaisir à faire du bien, à sentir, à reconnoître celui qu’on reçoit, tant de contentement à pratiquer la vertu, à être doux, humain, tendre, charitable, compatissant & généreux (ce seul mot renferme toutes les vertus), que je tiens pour assez puni quiconque a le malheur de n’être pas né vertueux.

Nous n’avons pas originairement été faits pour être savans ; c’est peut-être par une espèce d’abus de nos facultés organiques, que nous le sommes devenus ; & cela à la charge de l’état, qui nourrit une multitude de fainéans, que la vanité a décorés du nom de philosophes. La nature nous a tous créés uniquement pour être heureux ; oui, tous, depuis le ver qui rampe, jusqu’à l’aigle qui se perd dans la nue. C’est pourquoi elle a donné à tous les animaux quelque portion de la loi naturelle, portion plus ou moins exquise, selon que le com-