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vent participer aux mêmes prérogatives de l’animalité, & qu’ainsi il n’est point d’âme, ou de substance sensitive, sans remords. La réflexion suivante va fortifier celles-ci.


On ne peut détruire la loi naturelle. L’empreinte en est si forte dans tous les animaux, que je ne doute nullement que les plus sauvages & les plus féroces n’aient quelques momens de repentir. Je crois que la fille sauvage de Châlons en Champagne aura porté la peine de son crime, s’il est vrai qu’elle ait mangé sa sœur. Je pense la même chose de tous ceux qui commettent des crimes, même involontaires, ou de tempérament : de Gaston d’Orléans qui ne pouvoit s’empêcher de voler ; de certaine femme qui fut sujette au même vice dans la grossesse, & dont ses enfans héritèrent : de celle qui dans le même état, mangea son mari ; de cette autre qui égorgeoit les enfans, saloit leurs corps, & en mangeoit tous les jours comme du petit salé : de cette fille de voleur antropophage, qui la devint à douze ans, quoiqu’ayant perdu père & mère à l’age d’un an, elle eût été élevée par d’honnêtes gens ; pour ne rien dire de tant d’autres exemples dont nos observateurs sont remplis ; & qui prouvent tous qu’il est mille vices & vertus héréditaires, qui passent des parens aux enfans, comme ceux de la nourrice, à ceux qu’elle allaite. Je dis donc &