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à sa furie, dans un spectacle plus inhumain que tous les lions, les tigres & les ours ; tandis que nos compatriotes se battent, suisses contre suisses, frères contre frères, se reconnoissent, s’enchaînent, ou se tuent sans remords, parce qu’un prince paye leurs meurtres : je suppose enfin que la loi naturelle n’ait pas été donnée aux animaux, quelles en seront les conséquences ? L’homme n’est pas pêtri d’un limon plus précieux ; la nature n’a employé qu’une seule & même pâte, dont elle a seulement varié les levains. Si donc l’animal ne se repent pas d’avoir violé le sentiment interieur dont je parle, ou plutôt s’il en est absolument privé, il faut nécessairement que l’homme soit dans le même cas : moyennant quoi adieu la loi naturelle, & tous ces beaux traités qu’on a publiés sur elle ! Tout le règne animal en seroit généralement dépourvu. Mais réciproquement si l’homme ne peut se dispenser de convenir qu’il distingue toujours, lorsque la santé le laisse jouir de lui-même, ceux qui ont de la probité, de l’humanité, de la vertu, de ceux qui ne sont ni humains, ni vertueux, ni honnêtes gens ; qu’il est facile de distinguer ce qui est vice, ou vertu, par l’unique plaisir, ou la propre répugnance, qui en sont comme les effets naturels, il s’ensuit que les animaux formés de la même matière, à laquelle il n’a peut-être manqué qu’un degré de fermentation, pour égaler les hommes en tout, doi-