Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pourquoi il en faut croire les autres hommes sur leur parole, ou sur les signes sensibles & extérieurs que nous avons remarqués en nous-mêmes, lorsque nous éprouvions la même conscience & les mêmes tourmens.

Mais pour décider si les animaux qui ne parlent point, ont reçu la loi naturelle, il faut s’en rapporter conséquemment à ces signes dont je viens de parler, supposé qu’ils existent. Les faits semblent le prouver. Le chien qui a mordu son maître qui l’agaçoit, a paru s’en repentir le moment suivant ; on l’a vû triste, fâché, n’osant se montrer, & s’avouer coupable par un air rampant & humilié. L’histoire nous offre un exemple célèbre d’un lion qui ne voulut pas déchirer un homme abandonné à sa fureur, parce qu’il le reconnut pour son bienfaiteur. Qu’il seroit à souhaiter que l’homme même montrât toujours la même reconnoissance pour les bienfaits, & le même respect pour l’humanité ! On n’auroit plus à craindre les Ingrats, ni ces guerres qui sont le fléau du genre humain & les vrais bourreaux de la loi naturelle.

Mais un être à qui la nature a donné un instinct si précoce, si éclairé, qui juge, combine, raisonne & délibère, autant que s’étend & lui permet la sphère de son activité ; un être qui s’attache par les bienfaits, qui se détache par les mauvais traitemens, & va essayer un meilleur maître ; un être