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propres, ni l’eau qui peut le noyer, ni le feu qui peut le réduire en poudre. Faites briller pour la première fois la lumière d’une bougie aux yeux d’un enfant, il y portera machinalement le doigt, comme pour savoir quel est le nouveau phénomène qu’il aperçoit ; c’est à ses dépens qu’il en connoîtra le danger, mais il n’y sera pas repris.

Mettez-le encore avec un animal sur le bord d’un précipice : lui seul y tombera ; il se noye, où l’autre se sauve à la nage. À quatorze, ou quinze ans, il entrevoit à peine les grands plaisirs qui l’attendent dans la reproduction de son espèce ; déjà adolescent, il ne sait pas trop comment s’y prendre dans un jeu, que la nature apprend si vîte aux animaux : il se cache, comme s’il étoit honteux d’avoir du plaisir & d’être fait pour être heureux, tandis que les animaux se font gloire d’être cyniques. Sans éducation, ils sont sans préjugés. Mais voyons encore ce chien & cet enfant qui ont tous deux perdu leur maître dans un grand chemin : l’enfant pleure, il ne sait à quel saint se voüer ; le chien mieux servi par son odorat, que l’autre par sa raison, l’aura bientôt trouvé.

La nature nous avoit donc faits pour être au-dessous des animaux, ou du moins pour faire par-là même mieux éclater les prodiges de l’éducation, qui seule nous tire du niveau & nous élève enfin au-dessus d’eux. Mais accordera-t-on la même