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même ; elle formera les orateurs, les musiciens, les peintres, les poëtes, & jamais un seul philosophe. Au contraire si dès l’enfance on accoutume l’imagination à se brider elle-même ; à ne point se laisser emporter à sa propre impétuosité, qui ne fait que de brillans enthousiastes ; à arrêter, contenir ses idées, à les retourner dans tous les sens, pour voir toutes les faces d’un objet : alors l’imagination prompte à juger, embrassera par le raisonnement la plus grande sphère d’objets, & sa vivacité, toujours de si bon augure dans les enfans, & qu’il ne s’agit que de regler par l’étude & l’exercice, ne sera plus qu’une pénétration clairvoiante, sans laquelle on fait peu de progrès dans les sciences.

Tels sont les simples fondemens sur lesquels a été bâti l’édifice de la logique. La nature les avoit jettés pour tout le genre humain ; mais les uns en ont profité, les autres en ont abusé.

Malgré toutes ces prérogatives de l’homme sur les animaux, c’est lui faire honneur que de le ranger dans la même classe. Il est vrai que jusqu’à un certain age, il est plus animal qu’eux, parce qu’il apporte moins d’instinct en naissant.

Quel est l’animal qui mourroit de faim au milieu d’une rivière de lait ? L’homme seul. Semblable à ce vieux enfant dont un moderne parle d’après Arnobe ; il ne connoît ni les alimens qui lui sont