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comme le singe l’est lui-même ; je veux dire, par une physionomie qui annonçoit plus de discernement. Réduit à la seule connoissance intuitive des Leibnitiens, il ne voyoit que des figures & des couleurs, sans pouvoir rien distinguer entr’elles ; vieux, comme jeune, enfant à tout âge, il bégayoit ses sensations & ses besoins, comme un chien affamé, ou ennuyé du repos, demande à manger, ou à se promener.

Les mots, les langues, les loix, les sciences, les beaux-arts sont venus ; & par eux enfin le diamant brut de notre esprit a été poli. On a dressé un homme, comme un animal ; on est devenu auteur, comme porte-faix. Un geomètre a appris à faire les démonstrations & les calculs les plus difficiles, comme un singe à ôter, ou mettre son petit chapeau, & à monter sur son chien docile. Tout s’est fait par des signes ; chaque espèce a compris ce qu’elle a pu comprendre ; & c’est de cette manière que les hommes ont acquis la connoissance symbolique, ainsi nommée encore par nos philosophes d’Allemagne.

Rien de si simple, comme on voit, que la mécanique de notre Education ! Tout se réduit à des sons, ou à des mots, qui de la bouche de l’un, passent par l’oreille de l’autre, dans le cerveau, qui reçoit en même temps par les yeux la figure