Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

appris, comme nous, à avoir une espèce de conversation suivie. Je sai qu’on s’est moqué[1] de ce grand métaphysicien ; mais qui auroit annoncé à l’univers qu’il y a des générations qui se font sans œufs & sans femmes, auroit-il trouvé beaucoup de partisans ? Cependant M. Trembley en a découvert, qui se font sans accouplement, & par la seule section. Amman n’eût-il pas aussi passé pour un fou, s’il se fût vanté, avant que d’en faire l’heureuse expérience, d’instruire, & en aussi peu de temps, des écoliers, tels que les siens ? Cependant ses succès ont étonné l’univers, & comme l’auteur de l’histoire des polypes, il a passé de plein vol à l’immortalité. Qui doit à son génie les miracles qu’il opère, l’emporte à mon gré, sur qui doit les siens au hasard. Qui a trouvé l’art d’embellir le plus beau des règnes, & de lui donner des perfections qu’il n’avoit pas, doit être mis au-déssus d’un faiseur oisif de systèmes frivoles, ou d’un auteur laborieux de stériles découvertes. Celles d’Amman sont bien d’un autre prix ; il a tiré les hommes, de l’Instinct auquel ils sembloient condamnés ; il leur a donné des idées, de l’esprit, une âme en un mot, qu’ils n’eussent jamais eue. Quel plus grand pouvoir !

Ne bornons point les ressources de la nature ;

  1. L’auteur de l’hist. de l’âme.