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diges qu’il a sû opérer sur les sourds de naissance, dans les yeux desquels il a, comme il le fait entendre lui-même, trouvé des oreilles, & en combien peu de temps enfin il leur a appris à entendre, parler, lire, & écrire. Je veux que les yeux d’un sourd voient plus clair & soient plus intelligens que s’il ne l’étoit pas, par la raison que la perte d’un membre, ou d’un sens, peut augmenter la force, ou la pénétration d’un autre : mais le singe voit & entend ; il comprend ce qu’il entend & ce qu’il voit ; il conçoit si parfaitement les signes qu’on lui fait, qu’à tout autre jeu, ou tout autre exercice, je ne doute point qu’il ne l’emportât sur les disciples d’Amman. Pourquoi donc l’éducation des singes seroit-elle impossible ? Pourquoi ne pourroit-il enfin, à force de soins, imiter, à l’exemple des sourds, les mouvemens nécessaires pour prononcer ? Je n’ose décider si les organes de la parole du singe ne peuvent, quoi qu’on fasse, rien articuler ; mais cette impossibilité absolue me surprendroit, à cause de la grande analogie du singe & de l’homme, & qu’il n’est point d’animal connu jusqu’à présent, dont le dedans & le dehors lui ressemblent d’une manière si frappante. Mr. Locke, qui certainement n’a jamais été suspect de crédulité, n’a pas fait difficulté de croire l’histoire que le chevalier Temple fait dans ses mémoires, d’un perroquet, qui répondoit à propos & avoit