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tranquillité. L’opium change jusqu’à la volonté ; il force l’âme qui vouloit veiller & se divertir, d’aller se mettre au lit malgré elle. Je passe sous silence l’histoire des poisons.

C’est en fouettant l’imagination, que le café, cet antidote du vin, dissipe nos maux de tête & nos chagrins, sans nous en ménager, comme cette liqueur, pour le lendemain.

Contemplons l’âme dans ses autres besoins.

Le corps humain est une machine qui monte elle-même ses ressorts ; vivante image du mouvement perpetuel. Les alimens entretiennent ce que la fièvre excite. Sans eux l’âme languit, entre en fureur, & meurt abattue. C’est une bougie dont la lumière se ranime, au moment de s’éteindre. Mais nourrissez le corps, versez dans ses tuyaux des sucs vigoureux, des liqueurs fortes ; alors l’âme, généreuse comme elles, s’arme d’un fier courage, & le soldat que l’eau eût fait fuir, devenu féroce, court gaiement à la mort au bruit des tambours. C’est ainsi que l’eau chaude agite un sang, que l’eau froide eût calmé.

Quelle puissance d’un repas ! La joie renaît dans un cœur triste, elle passe dans l’âme des convives qui l’expriment par d’aimables chansons, où le françois excelle. Le mélancolique seul est accablé, & l’homme d’étude n’y est plus propre.

La viande crue rend les animaux féroces ; les