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quelquefois guéri la paralysie ? Je dois légèrement passer sur des choses connues de tout le monde.

Je ne serai pas plus long sur le détail des effets du sommeil. Voyez ce soldat fatigué ! il ronfle dans la tranchée, au bruit de cent pièces de canon ! Son âme n’entend rien, son sommeil est une parfaite apoplexie. Une bombe va l’écraser ; il sentira peut-être moins ce coup qu’un insecte qui se trouve sous le pied.

D’un autre côté, cet homme que la jalousie, la haine, l’avarice, ou l’ambition dévore, ne peut trouver aucun repos. Le lieu le plus tranquille, les boissons les plus fraîches & les plus calmantes, tout est inutile à qui n’a pas délivré son cœur du tourment des Passions.

L’âme & le corps s’endorment ensemble. À mesure que le mouvement du sang se calme, un doux sentiment de paix & de tranquillité se répand dans toute la machine ; l’âme se sent mollement s’appésantir avec les paupières & s’affaisser avec les fibres du cerveau : elle devient ainsi peu-à-peu comme paralytique, avec tous les muscles du corps. Ceux-ci ne peuvent plus porter le poids de la tête ; celle-là ne peut plus soutenir le fardeau de la pensée ; elle est dans le sommeil, comme n’étant point.

La circulation se fait-elle avec trop de vitesse ? l’âme ne peut dormir. L’âme est-elle trop agitée ? le sang ne peut se calmer ; il galope dans les