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Ici c’est un paralitique, qui demande si sa jambe est dans son lit : là c’est un soldat qui croit avoir le bras qu’on lui a coupé. La mémoire de ses anciennes sensations, & du lieu, où son âme les rapportoit, fait son illusion, & son espèce de délire. Il suffit de lui parler de cette partie qui lui manque, pour lui en rappeller & faire sentir tous les mouvemens ; ce qui se fait avec je ne sais quel déplaisir d’imagination qu’on ne peut exprimer.

Celui-ci pleure, comme un enfant, aux approches de la mort, que celui-là badine. Que falloit-il à Canus Julius, à Sénèque, à Pétrone, pour changer leur intrépidité, en pusillanimité, ou en poltronnerie ? Une obstruction dans la rate, dans le foie, un embarras dans la veine Porte. Pourquoi ? Parce que l’imagination se bouche avec les viscères ; & de là naissent tous ces singuliers phénomènes de l’affection hystérique & hypocondriaque.

Que dirois-je de nouveau sur ceux qui s’imaginent être transformés en loups-garoux, en coqs, en vampires, qui croient que les morts les sucent ? Pourquoi m’arrêterois-je à ceux qui voient leur nez, ou autres membres de verre, & à qui il faut conseiller de coucher sur la paille, de peur qu’ils ne se cassent ; afin qu’ils en retrouvent l’usage & la véritable chair, lorsque mettant le feu à la paille, on leur fait craindre d’être brûlés : frayeur qui a