Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette absurdité : que dieu se contredit dans ses divers ouvrages, & nous trompe.

S’il y a une révélation, elle ne peut donc démentir la nature. Par la nature seule, on peut découvrir le sens des paroles de l’évangile, dont l’expérience seule est la véritable Interprète. En effet, les autres commentateurs jusqu’ici n’ont fait qu’embrouiller la vérité. Nous allons en juger par l’auteur du Spectacle de la Nature. « Il est étonnant, dit-il (au sujet de Mr. Locke), qu’un homme, qui dégrade notre âme jusqu’à la croire une âme de boue, ose établir la raison pour juge & souveraine arbitre des mystères de la foi ; car, ajoute-t-il, quelle idée étonnante auroit-on du christianisme, si l’on vouloit suivre la raison ? »

Outre que ces réflexions n’éclaircissent rien par rapport à la foi, elles forment de si frivoles objections contre la méthode de ceux qui croient pouvoir interpreter les livres saints, que j’ai presque honte de perdre le temps à les réfuter.

1o. L’excellence de la raison ne dépend pas d’un grand mot vuide de sens (l’immaterialité) ; mais de sa force, de son étendue, ou de sa clairvoyance. Ainsi une âme de boue, qui découvriroit, comme d’un coup d’œil, les rapports & les suites d’une infinité d’idées, difficiles à saisir, seroit évidemment préferable à une âme sotte & stupide,